Chronique : The Sovereign individual

L’actualité économique est riche en ce moment, crise oblige et nous assistons à une fin de règne.

Que pensent les gens lorsqu’on parle des hommes politiques ? Si je résume et exagère à peine : ils ne servent à rien et ne pensent qu’à eux. La fin de l’état, c’est le sujet du livre “The Sovereign individual” de James Dale Davidson & Lord William Rees-Mogg qui, sans être un livre fin du mondiste de base comme il en existe des tonnes, expose une thèse sur les mécanismes qui vont éroder le pouvoir de l’état. Ces 2 auteurs sont des spécialistes du livre d’anticipation, ils évoluent dans la sphère financière. En 1991, ils publiaient The Great Reckoning où ils annonçaient notamment que l’Islam remplacerait le communisme en tant qu’idéologie principale face au capitalisme, que la fin du communisme ouvrirait la porte à la prolifération d’armes nucléaires (et des accidents de ce type) et les licenciements massifs dans les grandes entreprises.

Dans The Sovereign individual publié en 1997, ils se risquent à présenter le monde dans lequel nous vivons : celui de l’information. Leurs principales prévisions ?

  • la fin de l’état tout puissant
  • la difficulté grandissante à taxer les revenus qui aboutira à surtaxer la consommation
  • le fait que les banques vont subir des crises plus graves qu’en 1980
  • que l’individu deviendra plus autonome et capable d’être financièrement indépendant

Dans le livre, ils disent :

  • Page 20: “Les gouvernements bafoueront les droits de l’homme, censureront l’information et saboteront les technologies utiles”
  • Page 23: “Toutes les nations feront faillites et verront leur autorité fondre
  • Page 137: “Il faut s’attendre à voir des crises gouvernementales dans de nombreux pays où les promesses ne seront pas tenues dans un contexte de récession”
  • Page 197: “L’argent sous forme de papier a largement contribué à assoir le pouvoir de l’état non seulement en générant des bénéfices par la dépréciation de la monnaie mais aussi en donnant à l’état de l’emprise sur ceux qui accumulent cette monnaie
  • Page 198: “Le contrôle de l’argent passera des lieux de pouvoir au marché mondialisé”

Leur approche consiste à analyser l’histoire en partant du postulat que celle-ci ne fait que se répéter. L’analyse se fait au travers du prisme du contrôle de la violence et de l’exercice du pouvoir qui est le facteur principal influençant l’organisation de la société. Les auteurs ne se disent pas du tout experts mais surtout observateurs et ayant un savoir fin des dynamiques sociétales. La théorie des 5 siècles dit qu’une forme d’organisation domine pendant ce laps de temps : Rome, les seigneurs, l’église, l’état et maintenant : l’individu.

Au travers des âges, l’homme a ainsi toujours cherché à se protéger. A l’époque des chasseurs cueilleurs la société n’étaient pas si violente que l’on peut l’imaginer. Elle était très primitive mais les membres avaient l’obligation d’être solidaire pour survivre. Les groupes étaient petits, probablement de 25 à 50 personnes et les hommes travaillaient quelques heures par jour pour se nourrir (il est admis que le travail prenait de 8 à 15 heures par semaines). Comme il était impossible de stocker quoi que ce soit, en particulier la richesse, le vol était une notion quasi inconnue. Avec l’impossibilité de consommer et d’épargner ou d’organiser le travail, la notion de travailler dur ou “travailler plus” devait être étrangère à la société de cette période.

La situation évolua lorsque la propriété fit son apparition et que le surplus de nourriture, via l’agriculture, commença à être stocké. Les notions d’organisation et de gestion deviennent nécessaires et le pouvoir doit être exercé pour gérer le tout. La notion de capital et d’actif (les terres) devient centrale. Les paysans deviennent des cibles faciles pour trouver de la nourriture, la spécialisation du travail prend de l’ampleur et la logique de la violence pousse la société à se réorganiser. Des guerriers défendent les paysans en échange d’une partie de la production. La taxation fait son apparition, les prêtres prient pour de bonnes récoltes et deviendront parmi les plus riches de cette époque. L’agriculture mettra un siècle a sortir de ce schéma.

Celui qui possède un pouvoir militaire peut désormais contrôler la production alimentaire et devenir riche. Même si les paysans étaient producteurs, ils survivaient tout juste sur ce qui était laissé par les seigneurs et autres rois. Jusqu’en l’an 1000 la féodalité permettait de contenir la violence mais aussi d’améliorer la survie des populations à une époque où la productivité était très faible. L’église se développe dans ce contexte. Elle est le lieu de paix qui transcende les multiples fiefs et royaumes. Elles détient et développe les techniques nécessaires pour conserver le savoir et le passer d’une génération à l’autre (principalement via l’écriture). De ce fait elle contribue énormément à l’amélioration de la productivité des exploitations agricoles. Elle joue aussi un rôle qui plus tard sera celui du gouvernement : construire les routes, ponts et aménager le territoire. Grâce aux projets de construction (cathédrales par exemple), elle pousse au développement d’un artisanat et de l’ingénierie.

A la suite de cela, l’église entame un long déclin notamment accéléré par des affaires de mœurs au plus haut niveau de cette institution. Son pouvoir s’érode au profit du seul organisme capable de prendre le relais : les gouvernements. Le mot politique et la pratique politique se généralise vers le 16ème siècle, presque 2000 ans après qu’Aristote ait défini le concept. La principale raison : l’apparition de l’arme à feu qui rend critique la question du contrôle de l’état et le fait que l’église n’est plus un atout mais un boulet pour la population. Si à la fin du moyen-âge l’église était toute puissante. Elle était arrivée au point où elle devenait une entrave au développement du monde.

Si l’état a joué, tout comme l’église, son rôle dans l’organisation de la société et du commerce (le fait que les marchants s’associent autour d’un monarque est un signe que l’état était bon pour les affaires), il est désormais trop lourd et encombrant. Tout comme l’église qui cherchait a ponctionner la population pour survivre s’est effondrée, l’état suit le même chemin en cherchant à toujours ponctionner plus sur le travail. Aujourd’hui, il n’est pas anodin que l’état ponctionne 50 % de la richesse produite (Oui, vous travaillez 6 mois dans l’année pour l’état). La technologie a rendu obsolète de nombreuses fonctions exercées par l’état.

Depuis des années la politique meurt. Les scandales se multiplient. La confiance s’érode. Les liens entre les hommes politiques et les activités douteuses sont fréquentes. La corruption, une pratique très développée même dans les pays soit disant civilisés. Les populations se détournent de leurs dirigeants fatiguées par les petits jeux et par le coût grandissant d’entretenir une vie politique qui n’a plus le pouvoir de changer le quotidien. Le monde est en train de se “dépolitiser”.

Ce changement dans l’organisation de la société aura des effets sur tous les aspects de nos vies. Ainsi, là où il existe des monopoles nous verrons apparaitre de la compétition (transport, courrier, téléphonie…). Il faudra moins de personnes pour effectuer plus de travail. Les boulots où aucune compétence particulière n’est requise seront de moins en moins bien payés. Le langage est aussi d’ailleurs un outil de “monopole” des états. Dans le passé, il existait des dizaines de patois. En France, les Breton ne parlaient pas la même langue que les Provençaux. Le rôle de l’état a aussi état d’uniformiser via l’école la langue parlée dans le pays pour ajouter un degré supplémentaire à ce sentiment d’appartenance nationale.

Les individus choisiront l’état dans lequel ils veulent vivre comme un client choisit un fournisseur de services. Ainsi, les états seront comparés dans leur capacité à fournir une protection adéquat pour un coût raisonnable (c’est d’ailleurs ce que font la plupart des riches depuis longtemps).

Conclusion

Ce n’est pas une lecture facile. Le livre est très détaillé et fait beaucoup d’aller-retour dans l’histoire rendant compliqué le parcours mais cela en vaut la peine. La théorie est très bien étayée par les faits et la recherche documentaire et la thèse des auteurs même si elle est discutable, est assez probable. La précision des annonces est étonnante. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le livre ne fait pas du catastrophisme gratuit, il décrit simplement une nouvelle organisation de la société où les personnes les plus compétentes auront tous les outils à leur disposition pour créer et où les états devront s’adapter pour survivre. Ceux qui possèdent l’information et qui sont capables de la mettre en oeuvre seront en mesure d’attirer une grande partie de la richesse.

Intéressant, non ?

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