Jean Montaldo – Lettre ouverte aux banquiers de la finance

Comment ont-ils fait ? C’est la question que je me posais à l’ouverture de ce livre, désormais j’ai ma réponse. Même si j’avais étudié en détail la crise des subprimes, il persistait une zone de flou qui n’apparait que rarement dans les médias : les auteurs des méfaits et les petites combines qui ont permis de monter la crème.

Dans cette sombre histoire, il est facile de balancer des chiffres à tout va et de laisser le spectateur pantois pour venir ensuite lui proposer la solution mais cette approche n’est pas très enrichissante pour celui qui souhaite en savoir plus. Dans ce livre Jean Montaldo explique avec une plume légère comment tout ceci a pu se produire. J’ai découvert l’auteur à cette occasion, je ne suis habituellement pas client de ce type de lecture mais le choc n’en a été que plus grand : c’est le genre de personne qui mérite le titre de journaliste (en fait, les vrais journalistes sont étiquetés journaliste d’investigation). De l’investigation, il y en a en pagaille car j’ai découvert des détails hallucinants des magouilles financières de nos chers artistes de la finance.

Bien que traitant d’un sujet pas très sexy, l’auteur emploi des tournures imagées et frappantes qui rendent la lecture facile même si la finance est un domaine inconnu. En fait, il serait presque facile de transposer le roman à l’écran et d’en faire un western tant les personnages et les situations sont bien décrites.

J’ai particulièrement aimé le fait que le livre contiennent les noms et qu’il dénonce des faits précis tel un polar. Il ne mâche pas ses mots, il ne fait pas dans la dentelle. Si vous êtes habitué aux propos soupe-au-lait du 20h, le contenu pourrait presque vous choquer. Finalement, il donne l’impression d’être un journaliste d’investigation “comme on n’en fait plus”, ceux qui en ont (encore). Ce n’est pas une thèse sur les possibles causes : ce sont les véritables causes. A ce petit jeu de la dénonciation auquel se prête depuis toujours l’auteur, il faut savoir qu’il n’a jamais été condamné en justice.

Messier, Madoff, subprimes : même combat

Je ne connaissais pas Jean Montaldo mais à la lecture de sa bibliographie, j’ai vu que l’homme est un habitué des récits à charge contre les hommes véreux et corrompus. A son actif, 17 livres dont les plus récents sont :

et celui qui nous occupe aujourd’hui Lettre ouverte aux bandits de la finance !

Je pense qu’il n’y a que 2 choix concernant les agissements des puissants : soit on l’ignore volontairement, soit on cherche activement à comprendre. Après avoir lu un livre de la sorte, la première option n’est plus envisageable. Pourtant, pour éviter la facilité du “tous pourris”, il faut se plonger dans des récits de la sorte et découvrir que comme souvent, quelques-un suffisent pour créer beaucoup de problèmes.

En bonus à la crise des subprimes, j’ai eu le plaisir de trouver un chapitre sur Messier où Jean Montaldo rappelle que malgré les livres écrits pour se donner bonne image, il n’en reste pas moins qu’un menteur ayant trafiqué les comptes de Vivendi et du fameux Madoff, star mondiale, qui l’a mise où l’on pense à de nombreux riches tellement crédules qu’on aurait dit des pauvres.

Tout était prévisible

Sans détours, la crise des subprimes était prévisible. Elle aurait pu être arrêtée avant que les conséquences ne soient trop importantes mais les autorités de régulations ont failli. Pourtant plusieurs preuves existent sur l’avertissement des agissements contre ce qui allait être le plus grand hold-up de l’histoire.

J’ai découvert le nom d’Angelo Mozilo, celui qui est à l’origine du problème. Les amis dAngelo, un club créé pour l’occasion permet de diffuser des pots de vins sous forme de prêts à taux réduits à un ensemble bien choisi de dirigeants. Présenté comme le robin des bois du prêt immobilier, Angelo Mozilo profite des faiblesses de nombreuses personnes pour distribuer ses prêts pourris en finançant des ménages qui n’auraient normalement pas été éligible à un prêt classique.

Quelques personnes avaient compris la catastrophe en train de se préparer et avaient avertis les dirigeants des entreprises concernées (Freddie Mac et Fannie Mae). Le FBI avait également prévenu du risque d’explosion d’un marché qui attire “les criminels et des professionnels peu scrupuleux” mais la lutte contre le terrorisme semble avoir concentré les efforts…

Pour monter la crème que constitue le prêt “subprime” et ainsi fourguer un crédit à un ménage non-éligible, c’est toute la chaine qui a contribué à la chose : agents immobiliers, courtiers en prêts, avocats, notaires…

50 000 milliards pour éponger la cupidité

Tout ceci n’était que la première étape. La seconde, la meurtrière, c’est la titrisation. L’ardoise dite “subprime”, c’est 50 milliards de dollars. Le total après titrisation, c’est 50 000 milliards de dollars.

L’opération mortelle de titrisation consiste bêtement à créer un produit financier dérivé de la créance. Le titre ainsi produit sera vendu et grâce à de la bonne bidouille dont les financiers sont les experts, personne ne saura vraiment ce que le titre contient.

L’avantage, c’est que cela permet de vendre un crédit et de faire un bénéfice puis de revendre la titrisation de ce crédit en refaisant un bénéfice et surtout en se débarrassant du risque si jamais l’emprunteur fait défaut. Pas mal non ?

“Toute l’innovation financière consiste donc non pas à mieux gérer et répartir le risque mais à accroître le volume de crédit par unité de fonds propres : l’effet de levier.”

Bien évidemment tout ceci s’est déroulé sans qu’aucune autorité de régulation ne constate quoi que ce soit et nous pouvons nous demander si c’est par incompétence ou par négligence. Les agences de notation sont bien évidemment visées mais aussi les géants mondiaux de l’audit financier (dont Ernst & Young qui était censé surveillé la Sicav mise au point par Madoff!).

Les français mieux lotis ?

Pour autant, le livre ne s’arrête pas au contient américain. Chez nous évolue une clique (la branllecouillie qui a perdu la raison et qui se fout des conséquences de ses actes) qui ne vaut pas mieux que ce que l’on trouve de l’autre côté de l’Atlantique. Il est devenu courant de toucher un gros bonus lorsqu’on prend un poste, d’en toucher un autre lorsqu’on part même si on accuse des pertes énormes et ceci du trader au PDG. La liste des noms est impressionnante et ce qui l’est encore plus, c’est de voir que certains causes des problèmes partout où ils passent. Jean Montaldo n’y va pas par quatre chemins : tout est là.

L’exemple frappant, c’est Dexia (banque faillie) dont l’ex-PDG a touché une indemnité de départ de 825 000 euros ou dont l’ancien président du conseil d’administration reçoit chaque année une retraite de 583 000 euros.

Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne sommes pas mieux lotis que nos amis américains.

Juste pour le plaisir

Les meilleurs pour la fin : Kerviel, Messier et Madoff. Tous ne sont pas de la même espèce. Kerviel ne semblait être qu’un acteur agissant avec la bienveillance de ses supérieurs. Messier lui, écrit des livres pour essayer de faire oublier ses agissements : l’imposture totale sans classe et sans honte. Et le meilleur : Madoff

Madoff mérite un petit détour. Son arnaque de 65 milliards d’euros est bien plus classique dans le genre puisqu’il s’agit d’un bon vieux Ponzi. Il n’en demeure pas moins exceptionnel par son ampleur et sa durée. Il leur a mis profond avec tout les artifices qu’il faut. Tel un paon, il agita l’appartenance religieuse, sa position sur le marché (cofondateur du NASDAQ tout de même) et son expertise pour séduire les plus riches.

Je ne peux résister à vous montrer un extrait de la présentation générale de son placement “Luxalpha” dont le dépositaire était UBS, le correspondant centralisateur IXIS (filiale de la caisse des dépôts et de la caisse d’épargne françaises) et l’auditeur financier Ernst & Young. Personne n’a vu que Madoff ne plaçait rien (0) des sommes encaissées auprès de ses clients. C’est formidable.

Regardez ce que vante la présentation :

La promesse du fonds "Madoff" (Clic pour agrandir)

Notez la position exceptionnelle du gestionnaire autre manière de dire qu‘il est initié car il est dans le marché ce qui est interdit par la loi.
Le mieux est à venir : le produit est présenté comme étant à haute performance avec un risque quasi nul, une liquidité totale et une transparence complète.

N’oubliez pas le bon vieux adage : si c’est trop beau pour être vrai, c’est que ça ne l’est probablement pas.


Montaldo passe les “bandits de la finance” au kärcher
envoyé par Lesinfos. – Regardez les dernières vidéos d’actu.

En conclusion, j’ai bien aimé ce livre. Il est facile à lire et m’a permis d’en apprendre de belle sur les défaillances ayant permis à la crise des subprimes d’éclater. Sans doute partisan, ce livre n’en est pas moins qu’un résumé de la folie financière qui dirige le monde depuis au moins 10 ans.

Acheter Lettre ouverte aux bandits de la finance

Ce site utilise des cookies