Vous pouvez voir actuellement une publicité pour la Banque Postale qui présente un jeune couple avec un enfant. Le message adressé (la promesse !) est : envisagez l’avenir avec plus de sérénité (qui ne le voudrait pas ?). Il y a ensuite un jeu de mot à partir de « épargne » : je m’épargne des questions (épargne dans le sens de « ne pas imposer quelque chose à quelqu’un ou à soi ») et j’épargne à la banque postale (dans le sens commun de thésauriser).
Je vous avoue être perplexe devant un tel message: « Je m’épargne des questions ». Comme si c’était intelligent de ne pas se questionner avant de mettre ses économies quelque part, quel que soit leur montant! Cela part d’une «fausse-bonne intention », nous éviter ce qui est difficile, inconfortable. Se questionner, c’est se poser et réfléchir, il est plus facile de fonctionner en mode automatique, ou faire ce que les autres font. Se questionner, c’est créer plusieurs scénarios et peut-être hésiter, il est plus facile de laisser d’autres (des experts !) décider pour nous de ce qui nous procurera plus de sérénité. Se questionner, c’est remettre en cause un ordre établi par soi ou par les autres, il est plus facile de suivre la masse. Se questionner, c’est laisser émerger ses vrais désirs et envisager une vie meilleure, il est plus facile de fonctionner métro boulot conso (et dodo). Se questionner, c’est s’informer sur la destination et les modalités de son épargne, comparer produits et prestataires pour choisir la bonne formule (si votre ambition est de passer au-delà d’un livret A) il est plus facile de passer son temps devant la télé … ou d’écouter le conseiller de la banque postale. Qu’on ait 50, 500, 5000, 50000 euros d’épargne à placer, nous sommes face un choix : la base du comportement d’épargne est de retirer une partie de ses revenus de sa consommation courante pour l’affecter à une consommation future ou à un investissement. La moindre des choses est de se demander pourquoi, et surtout pour quoi (dans quel but) !
L’éducation nous a appris à privilégier la réponse, et de préférence la « bonne réponse » issue d’une mémorisation efficace, à la question. Elle valorise aussi la rapidité de la production de cette réponse. Chercher des possibilités nouvelles est un art et une discipline qui demande du temps, et peut confronter à un malaise, celui de l’attente, de l’incompétence. Je l’observe souvent chez mes clients quand je leur demande « que voulez-vous vraiment ? ». Souvent il y a un grand blanc que je m’attache à ne pas remplir (par une autre question notamment) pour laisser les possibilités émerger. La première est souvent la plus « évidente » ; la tentation est de s’y accrocher comme si on avait trouvé un os à ronger. C’est une erreur. Actuellement, on privilégie les solutions rapides, industrialisées et tranchées qui appauvrissent la réflexion. Ce qui marche facilement pour les problèmes de mécanique simple (ma roue de voiture est crevée, je change ma roue) et inopérant dès que plusieurs paramètres interdépendants sont en jeu, ce qui est le cas pour les décisions financières.
Une bonne question exige un effort de réflexion (on ne trouve pas la réponse tout de suite) et stimule l’imagination créatrice (ouvre sur des possibilités). Ainsi que l’a déclaré Albert Einstein : « Si je disposais d’une heure pour résoudre un problème et que ma vie en dépende, je consacrerais les 55 premières minutes à définir la question appropriée à poser, car une fois cela fait, je pourrais résoudre le problème en moins de cinq minutes. »
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