Manque-t-on de logements en France ?


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“Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées.” Winston Churchill

La France manque-t-elle de logements ? Voilà une grande question ! Bilan de la situation aussi objectif que possible.

Lorsque ce type de chiffres est diffusé, il avantage toujours celui qui parle. Ainsi, vous pensez certainement que la France manque de logements car c’est l’idée dominante et répétée par les professionnels de l’immobilier mais est-ce vrai ? Aujourd’hui, je vous propose d’analyser cet aspect aussi précisément que possible car se faire une opinion est très difficile sur cette question.

La supposée rareté du logement est l’argument le plus couramment utilisé pour justifier son prix.

Commençons par définir le sujet.

Les notions utilisées dans l’analyse statistique sur ce domaine sont les ménages et les logements.

Ménage : un ménage est un ensemble de personnes qui partagent une résidence principale et qui ne possèdent pas forcément des liens familiaux entre elles. Ne sont pas pris en compte les collectivités comme les résidences universitaires ou les maisons de retraite. C’est donc autant la famille de 6 personnes que le célibataire qui vit seul.

Logement : signifie l’ensemble des logements, qu’il s’agisse de logements utilisés comme résidence principale, secondaire ou bien sûr de logement vide. Il n’y a donc pas de prise en compte de l’état, du prix ou de la localisation du logement ce qui, vous le verrez, est le problème principal.

Le nombre de constructions

En France, le nombre de construction était de 419 423 logements par an en 1980 (selon l’INSEE) et de 410 188 en 2005. Sur cette période il s’est construit 8 383 935 logements sur l’ensemble du territoire.

Dans ces chiffres, une construction représente autant un logement individuel que collectif (universitaire…).

Si l’on ne prend en compte que les logements individuels sur la période 1980-2005, nous tombons à 4 832 512 logements construits.

Voir les chiffres INSEE

Dans un document de 2002, une publication de l’INSEE dit :

pour satisfaire la demande potentielle
de logements correspondante, il
faudrait construire 320 000 logements de
2000 à 2004 et 290 000 de 2005 à 2009.

Sur la période 2000 à 2004, il s’est construit 1 292 000 logements individuels ou collectifs contre 1 280 000 nécessaires. Il n’y a donc aucune pénurie créé sur cette période. Y’a-t-il pour autant pénurie sur le reste ? Voici la suite.

Le nombre de destructions

Le nombre de destructions est à prendre en compte, même si les chiffres sont faibles, afin d’essayer d’avoir un aperçu complet de la situation.

Selon le ministère du logement, il est estimé à 10 % par an soit 30 000 à 50 000 logements par an.

L’évolution démographique de la population et des ménages

Le nombre de ménage augmente lentement mais sûrement. D’après l’INSEE il y avait 19 589 000 ménages en 1982 et 25 689 000 ménages en 2005 ce qui nous fait un solde net de 6 100 000 ménages. Même si la natalité est modeste, globalement l’évolution du style de vie fait que le nombre de ménages augmente légèrement.

Il est à noter que sur cette même période, le nombre moyen de personnes par ménage est passé de 2,70 en 1982 à 2,31 en 2005 et que donc un certain confort s’est développé.

Source

Le parc de logements

Le nombre total de logements est estimé à 32,7 millions en 2008. Sur ce chiffre, environ 6 % représente des logements vides.

Les logements vides sont souvent montrés du doigt mais je dois atténuer ces 6 % : dans ce chiffre seulement la moitié concerne des logements individuels et sur ces logements une partie n’est pas “propre” à la location tout simplement car ces logements sont insalubres. Le fait est frappant lorsqu’il s’agit de 100 m² dans Paris mais statistiquement le chiffre est bas.

Source

La question de la solvabilité

Alors évidemment, la question du prix est centrale : si les logements sont trop chers, ils vont rester vide ou sur-peuplé.

Il est ainsi courant de penser que la France manque de logements alors qu’il serait plus précis de dire qu’elle manque de logements abordables.

Pour en savoir plus sur les prix de l’immobilier, je vous renvoi vers cet article.

La question de la localisation et des flux migratoires

Bien évidemment, les logements dont on parle sont ceux présents à l’endroit où il y en a le besoin. Une carte permet de connaître les flux migratoires des régions.

Par exemple à Paris, le solde naturel (naissances – décès) est de 111 885 alors que le solde migratoire apparent (chiffre de référence entre 2 recensements – solde naturel) est de -56 365. Autrement dit, il y a plus de gens qui partent de Paris que de personnes qui n’arrivent ce qui est contraire à ce que pensent la plupart des gens.

Les chiffres sont approximatifs et ne doivent pas être pris pour argent comptant mais si l’INSEE trouve ce type de résultats, cela pose une question : la population augmente-t-elle vraiment à Paris ?

Bien sûr, la bulle immobilière de ces 10 dernières années n’est pas étrangère à ce chiffre et à la fuite de la population de Paris (de même que les conditions de vie).

Aller plus loin : voir Où en est la promotion immobilière privée ?

Conclusion

Vous voyez la difficulté pour répondre à une question aussi importante. Il y a certainement une bonne raison à cela : la question est mal posée. Il s’agit surtout de savoir quelle est l’offre de logement dans votre ville/région avant tout car le logement est par définition quelque chose de très “local”.

Si je prends ma calculette voici ce que ça donne pour 2005 au niveau national :

Nombre de résidences principales : 26 323 000

– Nombre de ménages : 25 689 000

– Logements détruits (estimation pour les résidences principales) : 20 000

= 614 000

Ceci me fait dire que, dans l’absolu, il ne manque pas de logements en France ! J’espère ne plus entendre cette affirmation (peut être que tous les approximatologues de France lisent mon blog !).

Il est à noter que le nombre de logements disponibles par ménage est très équivalent dans les autres pays européens.

La tendance est positive sur le long terme : il y a toujours plus de logements construis que de ménages créés.

Pour aller plus loin :

Documents de l’INSEE qui utilise le concept de demande potentielle :
La demande potentielle de logements neufs à moyen terme
La demande potentielle de logements, L’impact du vieillissement de la population
Cinquante ans d’évolution des conditions de logement des ménages
La proportion de logements vacants la plus faible depuis 30 ans

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